Camus : " Où est passé le Troisième Homme ? "
– Bénédiction d’un ciel amusé de la modernité émise par un auteur oranais pour montrer un monde réaliste empreint du génie du christianisme en dehors du miroir munificent de la magie méditerranéenne.
Après Kamel Daoud, il faudra une autre guerre de la parole pour montrer à nouveau comment une même invention peut puiser impérialement immensément dans l’âme humaine un don de transposition imputant un élan de mort intentionnelle ou biaisant un geste de « roumi » prévenant une montée de racisme tout en étant mentalement monumentalement magistralement ingénieusement ingénument pris en flagrant défaut de misère humaine.
Intentionnellement, c’est en oranaise née en Algérie française venue en métropole pour la première fois à quinze ans, avec étonnement et peu de joie, que j’écris cette partition arabe (valable seulement si Kamel Daoud me le permet), prémisse d’une pensée géométriquement opposée redisant avec émotion le passage amoureux du plus bel empoisonnement, dû au soleil, au plus dangereux péril, je veux parler de la grisaille parisienne.
– Mener un marin en ballade sur un radeau ondoyant entre trois réalités miteuses réglées par avance, périr dans un accident de voiture menant un auteur rigoureusement nu et rasé de près miroitant dans les eaux algériennes fut le coup de malentendu le plus rude d’une carrière tondue de près par un Dieu pas très regardant sur le cœur d’un homme blessé par le volant d’une Facel Véga.
C'est alors que j 'endis la voix de Camus :
Même mort le troisième homme eut l’art de parler sans émettre un son surtout quand l’aumônier eut un geste plein de larmes.
Dès qu’il disparut, à mon grand étonnement, emportant dans sa soutane les cris de son pardon, je le sentis délivré de son crime.
Le jeu était en fin de course.
Petit à petit, à mi-chemin, l’inattendu mit en route un aspect gênant de sa personnalité. Je vis venir vers moi un jeune homme très malheureux qui me demanda si je voulais bien être son double ; à ma grande surprise il ne pouvait m’accompagner jusqu’à Alger car mon itinéraire lui faisait un peu peur, mais en dehors de cela la route de la gloire le fascinait.
Donc nous fîmes une mue dans une entreprise radicalement opposée. Il était mon arabe et je devenais son Meursault immédiat. Kamel Daoud régissait mon étude de Meursault, rusait avec les mots et induisait une connotation politique à un petit jeune de Belcourt qui n’avait pas su donner un nom à mon crime, impuissant que j’étais à voir le monde repentant des années soixante-dix et suivantes.
L’imitation du roi de Belcourt romancée avec un écrivain béat devant « la Montagne des lions » revient à un médiateur éminent donnant un titre improbable en nommant étrangement un petit gars de faubourg ému par le soleil mais inerte mis en demeure de ne prôner que la vérité, oubliant même d’imaginer sa mort en toute innocence avec naturel sous couvert de pureté, en plein mirage en pleine anémie en pleine inutilité. Meursault immortalisait l’essence des misères d’un homme émouvant du fait de son rare oubli de soi.
– Entrons dans le vif du sujet.
Meursault est entré dans le livre de Kamel Daoud par la voie d’un moule utilisant les bénéfices de la mue, opposant apparence des faits et faits réalisés en toute injustice. C’était un crieur de misère jeté au propre et au figuré, nu et marginal, somatisé par le prix à payer dans un pays intensément riche, irradié de son amour pour le soleil, menant le romancier Albert Camus avec le parti pris du dernier pas immortel de son parcours littéraire.
Artistique, mémoire et usurpation ne font jamais bon ménage mais mérite et répartition de la vision permettent une petite encoche au malaise d’un lecteur pénalisé par son origine oranaise noyé dans les brumes des critiques politiques de son pays moiré des ruines réparties généreusement sur l’Algérie.
Dans les redites unilatérales organiquement bétonnées par les médias mêlant islam et christianisme, Oran et Alger, exode et patrie, ni l’Arabe ni le Pied-noir ne purent jamais dire un mot de leur romancier avec la sincérité de Meursault. Dans les deux cas, deux mondes réalisant leur misère et leur dénuement avant de se tuer mirent leurs morts en terre avec amour de l’Algérie arabe ou pas. Perdant murailles bétail pierrailles avec croix et croissant en tenailles du chaud et du froid ni Meursault ni l’Arabe ne surent jamais la fin de leur aventure car ni l’un ni l’autre ne mirent jamais les pieds dans la même immunité d’un pays de règles muselées, de règne mutilé par des milliers de morts, régi en mode moulé sur la pauvreté enfantée par les jeux d’un pouvoir vieux et malade en partie émancipé par le biais des militaires de la Révolution imitant en cela le vieil adage : ris mais ne fais pas rire.
C’est avec un élan de nausée que Meursault murmura depuis les murs de sa prison : Ah ! Que c’était dur de mettre les mots de la vérité avec les Arabes qui étaient assis en rond en attendant le retour de Marie.
Murs, ordures, éraflures, ardeurs, médiocrités, ondées jouées ou lues ou entendues à coups de paroles ou de révolver ne mettront pas une mégatonne de plus ou de moins à la note finale du monde musulman rythmé par cinq airs de musique orientale.
– En parallèle avec la rareté unique de l’étrange attitude de mon héros en accord avec sa nouvelle compréhension de la lumière intérieure d’un homme en recherche de pureté absolue, mémoire, muse, Oranie, mausolée, générosité ne purent arriver à montrer à Kamel Daoud que Meursault était immanquablement l’Arabe en même temps que le pied-noir du temps de l’Algérie Française.
Reste encore une immense beauté immaculée : le meilleur est dans le cœur du jeune de Belcourt, un môme entre dix et vingt ans n’aurait jamais connu que la belle matinée d’un jour oranais du haut du Murdjajo. Une autre béatitude a été mise de côté, la beauté des rues de Mondovi où je suis né."A.CAMUS
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