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L 'idée de l '" Homme Chiffon " a pris naissance au cœur d' une germination répartie sur plusieurs décennies .

A l ' arrivée , ce n 'était plus le regard de l ' esthète qui me guidait.

La trame de mes toiles s' interposait entre la matière des pigments et l ' idée que je développais en une foule d ' images habillées qui prenaient chair pendant que mon humanité s' envolait.

Je vivais à Chicago les très grosses chaleurs de l ' été.

Sur les bords du Lac Michigan, les touffes de genets blancs m ' ont bru­talement réinsérée dans mon temps "Algérie" , ma terre de naissance dont je suis physiquement séparée et pour toujours , je sais .

J ' enfouis mes pieds dans le sable brûlant , au cœur de l ' Illinois,.

l ' Illinois a une forme d ' amphore , comme l ' Algérie .

Pas à pas , je m ' aventure dans un processus de métamorphose dont je serai à tour de rôle ,l ' homme ,le lézard , le vent et l ' eau .

Mes amis  sont des musiciens , compositeurs , acteurs afro-américains.

Nous parlons chacun de nos déserts.

Je réalise que le mien est antérieur à moi d' une génération, et pas si éloigné du leur .

Le mien aussi est culturel .

C 'est un désert en marche ,il a le pas de mon père à In -Salah, au cœur du Sahara .

Les touaregs cheminent à ses cotés .

Mon père revient à Oran avec des œufs d'autruches et un jeune fennec qu 'il nourrit au biberon.

A Chicago, la galerie" Satori Fine Art" expose mes toiles sur le thème : le désert .

Au moment même où j ' accroche mes tableaux, je sais que j' ai échoué.

C 'est une frustration d'assister à mon vernissage,  (I feel, I missed it,).

J'aurai voulu cette expérience autant artistique que charnelle et spirituelle dans une même foulée .

Dans mon voyage saharien, ce sont les vents qui ont rendu possible mon im­mersion désertique , peut- être parce qu' ils ont touché ma peau en s' enroul­ant autour de moi. .

De cet instantané,je ne vois plus de mes peintures que la froideur d' une oeuvre non touchable .

J' éprouve le besoin temporel et artistique de saisir dans mon oeuvre nais­sante l ' égarement d' un moment de ce temps créateur d' une peuplade à l ' unisson avec mon voyage .

Pour garder vivant ce rapport divinement géométrique et arriver à l 'arracher de sa glaise astrale , je me glisse dans le silence .

Mon aventure textile prend naissance à vingt mille "miles"de chez moi dans un lieu transportable .

Mon oeuvre se réfugie enfin dans son pays.

C'est à Marseille , au centre Fleg grace à Xavier Nataf, que je peux donner naissance aux "Hommes Chiffon"

.Des lors , Les "Hommes Chiffon" comme les nomades peuvent aller...

Luce Caggini