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« America » ….J'attendais d'y naître .

Ce n'était pas Wall-Street qui attisait mon intérêt, pas davantage le rêve du petit français en tête de classement social prenant ses vertus au sérieux pour faire fortune.

Moi, c'était le cinéma américain qui m'avait séduit.

Ceux qui avaient su dénicher une Ava Gardner,les Nat King Cole, les Count Basie, les comédies américaines que je pouvais voir cent fois en version originale, bref l'Amérique des vérités ravies au monde du réel.

Les voir, les entendre me faisait perdre tout sens de mes réalités, d'où je venais, où j'étais né, prêt à bondir sur ce qui adviendrait,

Suspendu à « America » .

Les mots pouvaient mentir, celui-la me déracinait. Je n 'étais pas le touriste qui allait prendre son billet ; je mettais un pont de vent entre l’Europe et ses affèteries .

Moi, je me barrais.

Je débarquai à New-York, un jour de plein été, à dix huit ans. Dieu ! Qu'il faisait beau !

À JFK Airport, devant la ligne jaune, à me dire que s’il venait à l’idée du type en casquette derrière sa vitre, à la présentation du passeport de me coincer là, alors qu’une vie se jouait, mon coeur cesserait de m’appartenir. Mais au-delà de cette ligne je serai indéracinable.

Le raffût des porteurs, tous noirs ! Leur accent, leurs uniformes, le bouillonnement d'une vie que j’identifiais, le sol et le sous-sol  me partageaient, me viraient d'un bond sur une planète nommée désir.

Je venais au monde une seconde fois.

Vite fait la vidange du frenchy boy. Transfusé sur le champ par le brouhaha des annonces du hall d'arrivée. Aucun aéroport n'avait jamais eu le même effet sur moi, ma réaction fut immédiate. C’est un benêt satisfait de sa belle joie de découvreur qui décollait.

Le taxi : checker à damiers jaunes et noirs des années cinquante. Mon chauffeur : un pakistanais.

Sans un regard, je ramasse les miettes de ma vie passée dans un plastic-bag. .

Got it! J’ai le tampon du visa U.S.A sur la peau du dos.